Le professeur Luc Duhamel est décédé le 19 novembre 2024. Spécialiste de l’Union soviétique et de la Russie, il a été chargé d’enseignement et professeur au Département de science politique de 1974 à 2020. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont The KGB campaign against corruption in Moscow (University of Pittsburgh Press, 2010) et Souveraineté et partenariat dans l’ex-URSS (Québec/Amérique, 1995).
Jessica Fortin-Rittberger, professeure à l’Université de Salzbourg qui a suivi les cours de Luc Duhamel, livre ce témoignage :
« Soviétologue puis russologue dont la carrière a traversé des bouleversements géopolitiques inouïs, de la Perestroïka au régime autoritaire de Vladimir Poutine en passant par la dissolution de l’URSS, Luc Duhamel était un des rares chercheurs à avoir effectué des enquêtes de terrain, dans les années 1980, sur les réseaux informels du pouvoir soviétique. Peu d’occidentaux ont pénétré ces cercles et pu comprendre les revers d’un système politique opaque. Cette expérience de terrain unique rendait ses cours fascinants. Luc Duhamel racontait des histoires captivantes sur le KGB et les réseaux de corruption qui ont défié et finalement renversé l'État. Il y avait même une légende à l’époque : le professeur Duhamel aurait vu Vyacheslav Molotov en personne dans un parc à Moscou, un vieil homme jetant des graines aux oiseaux. C’était peut-être davantage une image qu’un fait réel mais je trouve qu’elle décrit bien ce chercheur qui a non seulement été le témoin, mais aussi le documentariste d’une époque fascinante ».
Martin Carrier, conseiller aux programmes du département dont la trajectoire scientifique a été influencée par notre collègue, ajoute :
« Durant la période trouble que traversait la Russie des années 1990, Luc Duhamel a accompagné quelques dizaines d'étudiantes et étudiants de l'Université de Montréal, dont moi-même, dans le cadre d’un voyage d’études. Ils en gardent le souvenir d'une société russe en pleine transformation mais en sont surtout revenus marqués par sa passion : une passion contagieuse qui s'exprimait tant au détour d'une conversation banale, en sirotant un café dans le hall d'un vieil hôtel soviétique, que dans ses cours toujours peuplés de savoureuses anecdotes ou d'aventures qui ont marqué ses nombreux terrains. Parmi ses montagnes d'archives soviétiques, celles qu'il aurait recueillies à même les coffres de la Loubianka lui ont offert les précieuses données sur les ramifications de la corruption soviétique dans les années 1980. Luc Duhamel incarnait un chercheur habité par son terrain, où passion et profession ne faisaient qu'un. Il reste pour ses étudiantes et étudiants le politologue de l'espace soviétique et post-soviétique, mais aussi le conteur incomparable qui les a fait voyager dans les recoins de cette région complexe ».
Il y a quelques années, notre collègue apprécié de tous avait pris le soin de créer un fonds qui nous permet chaque année d’octroyer la bourse Luc-Duhamel. Celle-ci encourage les études de premier cycle en science politique sur la Russie et l'Eurasie (espace post-soviétique). Nous lui en serons toujours reconnaissants et présentons nos sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à ses ex-étudiants.
Frédéric Mérand
Directeur Science Politique Université de Montréal